dimanche 18 avril 2010


Théâtre - La rage de vivre de Sufo Sufo

Fait Tabapsi

22 Février 2010


Le comédien crie la détresse d'une jeunesse fatiguée d'être renvoyée à la périphérie d'une société où elle est pourtant partie intégrante.

Il y a quelques mois lorsque Delphin Kwegoué organisait une résidence de création à son espace "Rites et mythes" au "Village des artistes" à Bonendale, beaucoup étaient dubitatifs quant aux fruits qui en sortiraient. Mais pour ceux qui y avaient pris part, il n'y avait pas de doute sur la qualité du travail des sept auteurs dramatiques présents. Eux qui des semaines durant avaient butiné la thématique de la "création d'un monde nouveau" dans un projet qui était alors présenté comme étant des "Scènes expérimentales". Une option claire qui préfigurait des bébés qui allaient en sortir. Mercredi dernier, le public qui a fait le déplacement du Goethe-Institut de Yaoundé a sans doute apprécié le travail du metteur en scène et comédien Sufo Sufo. Qui dans le prolongement d'un travail commencé à l'atelier sus-évoqué a abouti à un magnifique "Contrat de destruction et de déconstruction puissance III".

Une dénomination en droite ligne d'un contenu à la fois philosophique et interrogatif d'un mal-être de plus en plus difficile à dissimuler sous nos cieux. Surtout pour les Yaoundéens qui ont reconnu tout au long de la performance la mise en abîme d'une cité appelée à se reconstruire, et pas seulement d'un point de vue physique. La performance de Sufo Sufo avait ceci d'intéressant qu'il a donné l'occasion à l'auteur de dire sa rage d'avoir été mis en marge, si ce n'est au ban, d'une société où des jeunes de sa trempe sont considérés comme "ces incapables d'être prophètes chez eux" par une classe dirigeante dont les membres "éteignent la lampe de misère sur leur têtes et l'allument à l'intérieur d'eux". Il n'en fallait pas plus pour attirer les foudres d'une jeunesse désormais reléguée au second plan si ce n'est oubliée, faisant d'elle des bombes à retardement d'une société pour laquelle elle a pourtant un rôle à jouer.

C'est ainsi que dans leur solitude forcée, ces jeunes, poussés dans leur dernier retranchement, songent à un nihilisme qui leur devient de fait logique. Surtout en ce "siècle (dit) de l'axe du mal" qui n'a pas été pour peu dans l'exil intérieur de cette jeunesse. Et pour porter son exaspération rendue à son paroxysme, le jeu du comédien s'est voulu dynamique dans une mise en scène qui a donné une large page à une scénographie où l'installation électrique et des objets comme le tabouret renforçaient la pertinence de cette envie de ras-le-bol ou de rupture avec un ordre devenu insupportable.

Au passage et à des moments bien précis, le spectacle de 80 minutes dégage chez le spectateur un sentiment de tristesse face à ce qui peut se confondre à un gâchis d'une jeunesse pourtant talentueuse comme le démontre le dynamisme d'une diaspora multisectorielle que le monde nous envie. Alors, Abdallah, qui se veut le héros de cette jeunesse décidée à "se mettre debout", n'a plus qu'à confectionner cette "bombe de destruction massive", quitte à répondre devant l'histoire.

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Au total, une performance plus qu'un mono classique qui a cependant l'inconvénient -est-ce vraiment un ?- d'assommer le spectateur tant sa densité est épaisse. Le metteur en scène serait peut-être plus inspiré s'il pensait à faire souffler un comédien dont le jeu est par ailleurs de qualité, surtout pour ce qui est de la maîtrise du texte. Une interprétation qui renseigne sur la progression d'un Sufo Sufo qui peut déjà postuler pour la scène africaine. Il fera simplement attention à mieux faire percevoir le distinguo qu'il devrait y avoir entre le dire et le récit d'un texte, vu qu'il a déjà fait ce qu'il fallait pour rentrer dans le personnage et entraîner le spectateur dans son sillage.

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